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Merci à ce magnifique quotidien qu'est "Le Monde"
--> Kurt Cobain ou la dernière passion du rock
Quarante ans après l'enregistrement du premier disque d'Elvis Presley, Kurt Cobain, chanteur, guitariste et âme du groupe Nirvana, se tirait une balle dans la tête. Le 5 avril 2004, on célèbre le dixième anniversaire d'une disparition qui, à l'époque, provoqua un immense émoi. Veillée funèbre de 10 000 personnes à Seattle, ville du groupe, une semaine après le drame ; suicides de fans, même en France, en 1997... On pressentait une de ces blessures capables de marquer une génération.

Célébré de son vivant, le jeune homme, mort à 27 ans d'avoir, entre autres, abhorré le succès, a scellé le mythe par son geste et l'épitaphe d'une lettre d'adieu - empruntée à Neil Young, un chanteur dont il admirait la longévité : "It's better to burn out than to fade away" ("Mieux vaut flamber que de s'éteindre lentement").

Depuis lors, le rock, aujourd'hui quinquagénaire, n'a pas reproduit d'icône de cette dimension, et l'aura de ce musicien désespéré reste toujours vivace. Elle incarne le potentiel créatif des frustrations, inspire encore de nombreux groupes et nourrit les marchands du temple. Le destin de Kurt Cobain symbolise alternativement la victoire possible de l'intégrité sur le marketing roi et le pouvoir destructeur de l'industrie du spectacle.

ARCHANGES BROYÉS ET MARTYRS

Quand, en 1987, le chanteur et son camarade bassiste, Krist Novoselic, plus tard rejoints par le batteur Dave Grohl, posent les fondations de leur trio, le rock est donné agonisant, lessivé par le conformisme. C'était oublier que ce genre de terreau convient à l'émergence d'une dissidence souterraine. A Seattle, au nord-ouest des Etats-Unis, une scène s'agitait ainsi à l'abri des regards du show-business. Dans la ville de Microsoft et de Jimi Hendrix, arrosée de deux cents jours de pluie par an, une communauté de musiciens adaptait le hard rock à son mal de vivre. Tempos alourdis, agressivité nimbée de flou et de distorsions. Ces jeunes gens fauchés achètent leurs vêtements au kilo. Un jour, l'un d'eux décrit ce style de vie comme grunge, un mot enfantin qui évoque la crasse et la négligence. Le terme fera fortune.

Manquait une étincelle pour provoquer l'explosion. Ce sera, à l'automne 1991, Smells Like Teen Spirit, une chanson tirée de Nevermind, le deuxième album de Nirvana. "Comme un parfum d'adolescence", ce titre devient immédiatement un hymne, comme a pu l'être Satisfaction. Equilibrant puissance heavy metal, instabilité punk et mélodie pop, ce tube propulsera l'album au firmament des ventes (près de 20 millions d'exemplaires écoulés à ce jour) et Nirvana au sommet d'une popularité vite mal vécue.

Originaire d'Aberdeen, une petite ville à 100 kilomètres de Seattle, dont la population est décrite par Kurt Cobain dans son Journal (réédité par "10/18") comme "constituée de beaufs bigots mâchonneurs de tabac, flingueurs de cerfs, tueurs de pédés", ce fils de parents divorcés, enfant maniaco-dépressif de la classe ouvrière blanche, s'est accroché à la musique comme à une bouée. Le punk est pour lui synonyme de liberté. Produit par Sub Pop, petite maison de disques indépendante réceptacle des premiers éclairs du grunge, Bleach, le premier album de Nirvana, avait été enregistré en 1989 pour la somme princière de 900 dollars.

Un an plus tard, le groupe, à l'initiative de Sub Pop, avait signé avec Geffen, une des puissances de l'industrie phonographique, filiale de MCA, aujourd'hui dans le giron d'Universal. Confronté à de nouvelles méthodes commerciales, au processus de starification et à la faculté de l'industrie du spectacle de digérer et vendre la rébellion, Kurt Cobain rouvrira les portes à une dépression accentuée par la chronique médiatique de son héroïnomanie et de son mariage avec la sulfureuse Courtney Love. Destiné en partie à revenir aux sources de son intégrité après le succès dévorant de Nevermind, le troisième et dernier album studio de Nirvana, In Utero, devait à l'origine s'appeler I Hate Myself and I Want to Die ("Je me déteste et je veux mourir").

Le rock a souvent broyé ses archanges. Mais Brian Jones, Jimi Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin - tous morts au même âge que Cobain - furent d'abord les victimes des excès de l'euphorie hédoniste des années 1960. A la fin des années 1970, les martyrs punk Sid Vicious ou Ian Curtis (le chanteur de Joy Division, qui s'est suicidé par pendaison) étaient, eux, marqués par le nihilisme et la désillusion. Le mouvement dont ils étaient issus n'en manifestait pas moins une énergie expansive. Le grunge de la génération Nirvana ressemblait à des hurlements d'introvertis oppressés par le renoncement.

Intronisé porte-parole d'une "génération X" - décrite en 1991 par l'écrivain canadien Douglas Coupland - autant imperméable à l'utopie hippie que dégoûtée par l'avidité yuppie, Cobain chante d'une voix plaintive et coléreuse pour dire qu'il ne s'aime pas, qu'il s'en veut d'être apathique, mais qu'il ne sait pas faire autrement. Il finit par chérir sa douleur, muse fidèle, plus digne de confiance que ses parents ou la plupart de ses amis.


LES BRANQUIGNOLES SADOMASOS DE "JACKASS"

On a retrouvé ces figures de la jeunesse blanche américaine de la fin du XXe siècle dans les films de Larry Clark ou de Gus Van Sant (dont le prochain, Last Days, serait d'ailleurs très inspiré de l'histoire de Nirvana). Quels chemins prennent aujourd'hui les petits frères de Kurt Cobain ? Les héros les plus populaires de la chaîne musicale américaine MTV ne sont plus des groupes de rock, mais les branquignoles sadomasochistes de "Jackass", émission consacrée à des cascades dérisoires qui ne sont pas sans rappeler les plongeons et séances de destruction d'instruments auxquels Nirvana se livrait sur scène.

Kurt Cobain a cru au rock avec une ferveur absolue. Sa passion militante pour les marges de cette musique - très bien décrite dans le livre de Stan Cuesta, Nirvana, une fin de siècle américaine (Le Castor astral, 304 p., 19 €) - passait par le culte de l'objet "disque", dont la recherche tenait du rite initiatique. La génération du téléchargement et de la musique dématérialisée conservera-t-elle cette sensibilité et cette foi ? Alors que des problèmes contractuels et de mésentente entre les survivants de Nirvana et Courtney Love empêchent aujourd'hui l'édition des inédits du groupe, il est intéressant de constater le succès des sites Internet consacrés au trio. Un public de passionnés, souvent trop jeunes pour avoir connu le groupe en activité, y échange frénétiquement des enregistrements pirates de concerts jamais parus en CD.

Après avoir été menacées par l'explosion des musiques électroniques, les guitares ébouriffées ont fait un retour remarqué. Mais le rock actuel n'a pas encore trouvé son Kurt Cobain. Difficile de concilier à la fois de tels dons d'auteur-compositeur, une telle urgence et une dimension tragique sans laquelle ne peut se construire de légende. L'Amérique de Nirvana était celle de George Bush père et de la guerre du Golfe. Dans celle de Bush junior et de la guerre en Irak sommeillent sûrement des Kurt Cobain en puissance. Doit-on souhaiter pour eux qu'ils se réveillent ?

Stéphane Davet
Responsable de ceci : dirkdiggler, le Lundi 5 Avril 2004, 14:58 dans la rubrique "paroles".

Commentaires :

dirkdiggler
dirkdiggler
05-04-04 à 15:00

"Depuis lors, le rock, aujourd'hui quinquagénaire, n'a pas reproduit d'icône de cette dimension, et l'aura de ce musicien désespéré reste toujours vivace."

"Le destin de Kurt Cobain symbolise alternativement la victoire possible de l'intégrité sur le marketing roi et le pouvoir destructeur de l'industrie du spectacle."


Voilà deux phrases puissantes et criantes de vérité moi je trouve!!!

 
remiskippy
remiskippy
05-04-04 à 15:44

Une nouvelle ère !

Je pense que la face du Monde est en train de tourner ! Sans ère utopique, je constate que la musique commence à prendre un tournant, avec le retour des Hippies ! Hier, au Jt, une comédie musicale reprenait cette apparence ! Les Cheveux longs, parait-il, reviendront prochainement à la Mode ! Alors que les syndicats et les parties de Gauche promettent un troisième tour, il faut espèrer ! Il me semble que la révolte dort depuis ... Mai 68 ? 81 ? 95 ? Le Cri du peuple resurgira-t-il ? Il faut dire que les mobilisations commencent à être réprimer ! (ex : Les pompiers à Paris) ! Tous cela se fait ressentir, dans le domaine musical. Que sont les groupes de Hard-Rock ? les continuateurs de Rock'n'roll ! le Rap, est aussi un symbole de la révolte ! Passi, Solaar, Sniper (que M. Sky >sarkozy voulait bannir) ne font la révolution, mais ils ouvrent les yeux sur ce qu'il se passe vraiment. Tout comme un conseiller F. Mitterand, qui a dit à propos de la chanson " Dans mon Hlm" de Renaud, qu'il était pret à échanger son rapport sur les banlieues contre les paroles de cette chanson ! 

 
fabinou
fabinou
09-04-04 à 21:50

larry clark il a pas réalisé un film intitulé "Bully" sur une bande d'ados américains désoeuvrés? Je suis tombé sur ce film sur canal+ et je suis resté scotché!


 
dirkdiggler
dirkdiggler
12-04-04 à 09:31

Re:

Oui, exactement et c'est une histoire vraie il me semble!